République et démocratie, les faux amis

Publié le par Steven Dutartre

Serment du Jeu de Paume

Custin d'Astrée m'a invité à rédiger un billet sur son site 365 mots et j'ai répondu à son invitation avec ce billet sur la république et la démocratie.

Pour beaucoup, république et démocratie sont des synonymes et pourtant, à l’origine, ce n’était pas le cas. En effet, les promoteurs de la république se méfiaient fortement du peuple et ne pouvaient se résigner à ce qu’il puisse gouverner directement, aussi a été inventé le gouvernement représentatif, encore appelé démocratie représentative afin que le peuple – sans exercer le pouvoir – désigne l’aristocratie chargée de le faire.

Bernard Manin rappelle dans ses « Principes du gouvernement représentatif » que « Madison opposait souvent la ‘‘démocratie’’ des cités antiques où ‘‘un petit nombre de citoyens s’assemblent pour conduire en personne le gouvernement’’ et la république moderne fondée sur la représentation. Il formulait même cette opposition en termes particulièrement radicaux […] [il] ne considérait pas la représentation comme une approximation du gouvernement par le peuple rendue techniquement nécessaire par l’impossibilité matérielle de rassembler les citoyens de grands États, il y voyait au contraire un système politique substantiellement différent et supérieur. » et que « Sièyes, de son côté, soulignait avec insistance la ‘‘différence énorme’’ entre la démocratie ou les citoyens font eux-mêmes la loi et le régime représentatif dans lequel ils commettent l’exercice de leur pouvoir à des représentants élus. »

Il est clair, à la lecture de ce passage, que nous ne pouvons pas qualifier notre régime de démocratique, pourtant nous entendons sans cesse que la France est un pays démocratique. La question est donc de savoir pourquoi ce qui à l’origine était conçu en opposition à la démocratie a été ensuite qualifié de démocratie ? Le suffrage universel – qui en France ne date que de 1848 et encore masculin – a peut être été l’événement déclenchant de ce retournement, il n’en reste pas moins qu’en principe l’élection n’est pas un mode démocratique de sélection des représentants selon notamment Montesquieu qui opposait élection aristocratique et tirage au sort démocratique dans « L’Esprit des lois ».

En conclusion, on peut donc citer Jacques Rancière qui estime qu’ « il n’y a pas de crise ou de malaise de la démocratie. Il y a et il y aura de plus en plus l’évidence de l’écart entre ce qu’elle signifie et ce à quoi on veut la réduire. »

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