L'élection des conseillers municipaux, des conseillers communautaires et des conseillers départementaux après la loi du 17 mai 2013

Publié le par Steven Dutartre

Le Parlement a modifié le régime des élections locales avec la loi n° 2013-403 du 17 mai 2013 relative à l'élection des conseillers départementaux, des conseillers municipaux et des conseillers communautaires, et modifiant le calendrier électoral. Ces modifications n’ont pas fait l’unanimité, notamment celles sur l’élection des conseillers départementaux qui enterraient la réforme du conseiller territorial (élu qui devait siéger à la fois au conseil général et au conseil régional) adoptée sous l’ancienne majorité ou encore l’abaissement du seuil de 3500 habitants à 1000 habitants pour l’élection des conseillers municipaux dans les petites communes.

Les élections municipales

Pour les élections municipales, le seuil de 3500 habitants qui impliquait un mode de scrutin différent a été abaissé à 1000 habitants. Dans les communes de moins de 1000 habitants, les conseillers municipaux restent élus au scrutin majoritaire plurinominal à deux tours (articles L252 et L253 du code électoral) mais dans les communes de plus de plus de 1000 habitants (et les arrondissements à Paris, Lyon et Marseille), ils sont élus au scrutin de liste majoritaire avec représentation proportionnelle à deux tours (articles L260 et L262 du code électoral) avec l’exception des communes associées de moins de 1000 habitants ou des sections électorales de moins de 1000 électeurs (article L261 du code électoral).

Une nouveauté : les candidatures sont obligatoires quelle que soit la strate démographique de la commune, ce qui entraîne l’impossibilité pour quelqu’un qui ne s’est pas présenté d’être élu dans les communes de moins de 1000 habitants mais il reste possible d’y être candidat au second tour sans l’avoir été au premier si le nombre de candidats est inférieur au nombre de sièges à pourvoir (articles L255-3 et L255-4 du code électoral). L’opposition a contesté l’abaissement du seuil à 1000 habitants, elle y a vu « une atteinte inconstitutionnelle à la liberté de choix de l'électeur et au principe constitutionnel de pluralisme des courants d'idées et d'opinions », le Conseil constitutionnel a répondu « qu'en abaissant de 3 500 à 1 000 habitants le seuil de population d'une commune à partir duquel les conseillers municipaux sont élus au scrutin de liste, le législateur a entendu favoriser, dans les communes comprises dans cette extension, l'égal accès des femmes et des hommes à ces mandats ; que le seuil de population retenu et le nombre de conseillers municipaux limitent les éventuelles difficultés à composer des listes répondant à l'exigence de parité retenue par le législateur ; que, dans ces conditions, le législateur n'a pas porté une atteinte inconstitutionnelle au principe de pluralisme des courants d'idées et d'opinions ; que, par suite, les dispositions de l'article 24 ne méconnaissent pas les exigences constitutionnelles précitées ; qu'elles doivent être déclarées conformes à la Constitution » (Décision n° 2013-667 DC du 16 mai 2013).

Bien qu’il permette la représentation de listes minoritaires dans les communes de plus de 1000 habitants, ce mode de scrutin peut néanmoins être critiqué : s’il est louable de vouloir « favoriser la constitution majorité stable et cohérente » pour reprendre les termes du Conseil constitutionnel dans diverses décisions relatives aux modes de scrutins locaux (cela reste discutable), il n’empêche que la liste arrivée en tête, au premier tour en cas de majorité absolue ou au second tour, est surreprésentée. On aurait pu envisager, sans aller jusqu’à la proportionnelle intégrale (option défendable avec un exécutif élu au scrutin majoritaire par exemple) que la part majoritaire soit moins forte, j’avais quant à moi proposé un mode de scrutin mixte selon qu’il y ait ou non majorité absolue dans un billet précédent. Il y a néanmoins un avantage, cela permet de faire avancer la parité dans les conseils municipaux bien qu’il y ait parfois des difficultés réelles pour constituer des listes paritaires. Il faut espérer que la parité, qui reste encore récente dans notre histoire politique et juridique, fasse évoluer les mentalités.

Les élections communautaires

Il s’agit d’une véritable nouveauté puisque jusqu’ici, les conseillers communautaires étaient élus indirectement par les conseils municipaux selon des règles diverses et parfois, cela pouvait conduire à ce que les listes minoritaires ne soient pas représentées au sein de l’organe délibérant des établissements publics de coopération intercommunale. Désormais, les conseillers communautaires sont élus en même temps que les conseillers municipaux dans les communes de plus de 1000 habitants, sachant que le mandat de conseiller communautaire est lié à celui de conseiller municipal (article L273-5 du code électoral). Les conseillers communautaires sont élus au scrutin de la liste majoritaire avec représentation proportionnelle dans les communes de plus de 1000 habitants (article L273-6 du code électoral) et sont désignés dans l’ordre du tableau du conseil municipal dans les communes de moins de 1000 habitants (article L273-11 du code électoral).

L’opposition a estimé que ces régimes différents portaient atteinte à la libre administration des collectivités territoriales et aux principes d'égalité devant la loi et devant le suffrage, ce à quoi le Conseil a répondu « qu'aucune exigence constitutionnelle n'impose que tous les membres de l'organe délibérant d'un établissement public de coopération intercommunale soient élus selon le même mode de scrutin » et « qu'en prévoyant que, dans les communes de moins de 1 000 habitants, les délégués communautaires sont les membres du conseil municipal désignés dans l'ordre du tableau, le législateur a entendu éviter, dans les communes où les conseillers municipaux sont élus au scrutin majoritaire, la complexité qui résulterait d'une procédure de désignation distinguant l'élection des conseillers municipaux et celle des conseillers communautaires ; que la différence de traitement instituée est fondée sur un critère objectif et rationnel en lien direct avec l'objet de la loi » (Décision n° 2013-667 DC du 16 mai 2013).

Même s’il s’agit là encore d’un « mieux » dans les communes de plus de 1000 habitants, on peut répéter la même critique quant à la répartition des sièges qui favorise outrageusement la liste majoritaire. Toujours le même avantage : cela permet de faire entrer plus de femmes au sein des organes délibérants des communautés de communes, des communautés d'agglomération, des communautés urbaines et des métropoles.

Les élections départementales

Elles remplacement les élections cantonales et le conseiller général devient le conseiller départemental. Alors que le mode de scrutin n’avait pas été modifié depuis plus de cent ans (scrutin majoritaire uninominal), la majorité a décidé d’introduire une nouveauté qui n’en est pas vraiment une : le scrutin binominal paritaire, c’est-à-dire une liste composée d’un candidat de chaque sexe. Il s’agit ni ni plus ni moins d’un scrutin de liste majoritaire auquel on a appliqué la parité qui résulte de l’alinéa 2 de l’article 1er de la constitution du 4 octobre 1958 révisée en 1999 selon lequel « la loi favorise l'égal accès des femmes et des hommes aux mandats électoraux et fonctions électives. » Sur ce point le Conseil constitutionnel a balayé l’argument de l’opposition qui y voyait une atteinte au choix de l’électeur : « Considérant qu'en prévoyant que les électeurs de chaque canton du département « élisent au conseil départemental deux membres de sexe différent, qui se présentent en binôme de candidats dont les noms sont ordonnés dans l'ordre alphabétique sur tout bulletin de vote imprimé à l'occasion de l'élection », le législateur a instauré un mode de scrutin majoritaire binominal à deux tours sans panachage ni vote préférentiel ; que par ces dispositions, qui ne sont entachées d'aucune inintelligibilité, le législateur a entendu assurer la parité au sein des conseils départementaux ; qu'il a ainsi favorisé l'égal accès des femmes et des hommes au mandat de conseiller départemental ; qu'il n'a méconnu aucune exigence de valeur constitutionnelle » (Décision n° 2013-667 DC du 16 mai 2013).

Les oppositions ont également porté sur une conséquence de ce mode de scrutin : le redécoupage des cantons doit le nombre doit être réduit de moitié (bien il y ait en définitive plus d’élus !) et il est juridiquement improbable que l’on puisse laisser subsister dans les décrets qui vont être pris sur la base de l’article L3113-2 du code général des collectivités territoriales modifié par la présente loi, les disparités démographiques telles qu’elles existent actuellement dans certains départements (à titre d’exemple, les cantons de Vigny et de Cergy-Nord dans le Val-d’Oise comptent respectivement 11 174 et 60 861 habitants en 2011 selon les statistiques de l'INSEE) en raison de la jurisprudence du Conseil d’État : « Considérant qu'en application de ce principe, si la délimitation des circonscriptions cantonales peut ne pas être strictement proportionnelle à la population, mais peut tenir compte d'autres impératifs d'intérêt général, elle doit reposer sur des bases qui ne s'éloignent pas d'une façon excessive des données démographiques résultant d'un recensement récent. » (Conseil d’État, 10/ 7 SSR, du 6 janvier 1999, 178608, publié au recueil Lebon). On notera également que les conseils départementaux sont désormais renouvelés intégralement tous les six ans et non plus par moitié tous les trois ans.

Ici encore, le choix du mode de scrutin peut être critiqué : alors que le Comité pour la réforme des collectivités locales présidé par Édouard Balladur, préconisait dans la proposition n°3 de son rapport en 2009 un scrutin de liste proportionnel à deux tours assorti d’une prime majoritaire au sein de circonscriptions infra-départementales, sans doute dans l'esprit du mode de scrutin en vigueur pour les élections régionales. Le Gouvernement, revenant sur la réforme du conseiller territorial intervenue entre temps, a préféré maintenir dans son projet de loi le scrutin majoritaire dont on sait qu’il est profondément injuste du point de vue de la représentation des forces politiques, d’aucun disent qu’il s’agissait d’empêcher le Front national de progresser en termes d’élus, pas vraiment un motif d’intérêt général... On pourrait aussi ajouter que c'était le risque pour la majorité au pouvoir de dépendre de ses partenaires politique pour constituer des manjorités dans les départements. Il n’est pas certain cela dit que le scrutin majoritaire serve encore bien longtemps de digue aux mouvements d’humeur des électeurs, quoi que l’on puisse en penser d'ailleurs.

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